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Choses à Savoir SCIENCES
Comment rendre les gens plus altruiste grâce à Batman ?
Une étude menée à Milan par des psychologues de l’université Cattolica del Sacro Cuore s’est intéressée à une question simple mais audacieuse : peut-on rendre les gens plus gemtils envers autrui grâce à quelque chose d’aussi incongru qu’un homme déguisé en Batman dans le métro ? Contre toute attente, la réponse semble être oui, selon cette recherche publiée dans la revue npj Mental Health Research.
Les chercheurs ont mené une expérience dans le métro milanais. Lors de certains trajets, une femme simulait une grossesse pour observer si des passagers se levaient pour lui céder leur siège. Dans les conditions normales, environ 37,7 % des passagers lui laissaient la place. Mais lorsque, par une autre porte, un homme déguisé en Batman montait dans la même rame, le taux grimpait à 67,2 %. Autrement dit, la présence du super-héros doublait presque la probabilité d’un comportement prosocial.
Fait encore plus étonnant : parmi ceux qui se levaient, près de 44 % affirmaient ne pas avoir vu Batman. L’effet se produisait donc même sans perception consciente du personnage. Comment expliquer cela ?
Selon l’équipe italienne, deux mécanismes se combinent. D’abord, la présence d’un élément inattendu – ici un homme masqué et capé dans un contexte ordinaire – rompt la routine mentale. Dans les transports, nous sommes souvent en mode “pilote automatique”, absorbés par nos pensées ou par nos écrans. Un personnage aussi incongru que Batman sert de rupture cognitive et ramène l’attention sur l’environnement. Une fois plus attentifs, les passagers remarquent davantage qu’une personne enceinte a besoin d’aide.
Ensuite, Batman agit comme un “prime” symbolique. Même sans le voir clairement, son costume représente dans l’imaginaire collectif la justice, la protection et l’entraide. La simple présence du symbole active des normes sociales positives. Le cerveau, même inconsciemment, se retrouve orienté vers une idée simple : aider les autres est une bonne chose. Ce petit coup de pouce psychologique suffit parfois à déclencher un comportement prosocial.
Cette étude montre que l’altruisme n’est pas seulement une caractéristique individuelle stable, mais aussi un phénomène hautement contextuel. La gentillesse peut être stimulée par des éléments extérieurs, même subtils : une surprise, une perturbation de la routine, un symbole culturel fort. En d’autres termes, de petites interventions dans l’espace public – installations artistiques, mises en scène, nudges sociaux – pourraient encourager l’entraide de manière très concrète.
Dans un monde où beaucoup évoluent sans vraiment regarder autour d’eux, il suffit parfois d’un Batman inattendu pour rappeler que la bienveillance est toujours à portée de main.
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La conscience précède-t-elle la matière ?
03:18|Depuis des siècles, le débat oppose deux visions du monde : le matérialisme, selon lequel la matière produit la conscience, et l’idéalisme, qui affirme au contraire que la conscience est première. Les travaux récents de Maria Strømme, physicienne et spécialiste de nanotechnologie et de science des matériaux, ravivent ce débat sous un angle inédit. Dans une étude publiée dans la revue AIP Advances, elle propose une théorie audacieuse : la conscience ne serait pas un produit tardif de l’évolution biologique, mais le substrat fondamental de la réalité. Selon elle, la matière, l’espace et le temps émergeraient d’un champ de conscience primordial.Strømme, qui travaille habituellement sur la structure atomique des nanomatériaux, transpose ici des outils mathématiques et des concepts issus de la physique fondamentale pour décrire la conscience comme une entité physique au sens strict, comparable à un champ quantique. Dans ce cadre, les particules, les atomes, les molécules et même les objets macroscopiques ne seraient que des excitations locales de ce champ de conscience. Autrement dit, la matière ne serait pas la base du réel, mais une manifestation secondaire, dérivée.Cette idée s’accompagne d’une implication majeure : les consciences individuelles ne seraient pas réellement séparées. Elles correspondraient à des fluctuations locales d’un même champ unifié, comme des vagues appartenant au même océan. La sensation de séparation entre individus serait alors une illusion produite par la configuration particulière de ces fluctuations. Ce point ouvre la porte à une vision radicalement différente de l’esprit et de la relation entre les êtres vivants.L’un des aspects les plus fascinants de la théorie est qu’elle offre un cadre théorique pour interpréter certains phénomènes souvent classés dans le paranormal : télépathie, intuition collective, expériences de mort imminente ou encore l’idée que la conscience puisse survivre à la mort physique. Strømme ne présente pas ces phénomènes comme avérés, mais considère qu’un champ de conscience fondamental pourrait, en principe, les expliquer. Elle affirme que ces hypothèses devraient être testables, ce qui leur donne un statut scientifique potentiel plutôt que purement spéculatif.Cette théorie reste néanmoins très controversée. Elle soulève des questions majeures : comment mesurer un tel champ ? Comment distinguer la conscience fondamentale d’une forme d’énergie ou d’information déjà connue ? Aucun consensus n’existe encore, et de nombreux chercheurs considèrent cette approche comme hautement spéculative. Mais la force du travail de Strømme réside dans le fait qu’il propose un modèle formel, issu d’une physicienne rigoureuse, qui tente de relier la science des matériaux aux fondements mêmes de la réalité.En conclusion, selon Maria Strømme, il est possible que la conscience précède la matière. La réalité matérielle serait alors une émergence secondaire d’un champ de conscience universel, bouleversant notre compréhension traditionnelle de l’univers et de notre place en son sein.
Pourquoi 9, 32, 66 et 83 ans sont des âges clefs ?
03:22|Une vaste étude menée par l’équipe de l’Université de Cambridge a analysé les cerveaux de 3 802 individus âgés de 0 à 90 ans grâce à de l’IRM de diffusion, afin de cartographier comment les connexions neurales évoluent tout au long de la vie. Les chercheurs ont identifié quatre points de bascule – vers 9, 32, 66 et 83 ans – qui marquent des transitions entre cinq grandes phases d’organisation cérébrale. Chaque point correspond à un changement marqué dans la façon dont les régions du cerveau sont connectées et dans l’efficacité globale du réseau neuronal.9 ans correspond à la fin de l’enfance et au début de l’adolescence cérébrale. Depuis la naissance, le cerveau a produit un excès de connexions, puis a procédé à une élimination massive, appelée « poda synaptique ». En parallèle, la matière grise et la matière blanche continuent de croître, ce qui améliore l’épaisseur corticale et stabilise les plis du cortex. Cette période optimise les fonctions fondamentales : langage, mémoire, coordination, apprentissages de base. Le passage vers 9 ans reflète un basculement global : le cerveau quitte la phase d’enfance et entre dans une adolescence prolongée sur le plan neuronal.32 ans marque l’entrée dans la pleine maturité adulte. Entre 9 et 32 ans, les connexions se renforcent, la matière blanche se densifie et les échanges entre régions distantes deviennent plus rapides et plus efficaces. Le cerveau affine son organisation interne, ce qui correspond au pic des performances cognitives : raisonnement abstrait, mémoire de travail, rapidité intellectuelle, flexibilité mentale. Autour de 32 ans se produit le changement le plus marqué de toute la vie : le réseau neuronal se stabilise et atteint un plateau structurel, caractéristique du cerveau adulte pleinement mature.66 ans correspond au début du vieillissement cérébral. Après plusieurs décennies de relative stabilité, la connectivité globale commence à diminuer. La matière blanche, essentielle aux communications longue distance dans le cerveau, montre des signes de dégradation. La conséquence est un ralentissement progressif de la vitesse de traitement, une diminution de la flexibilité cognitive et parfois une réduction de la mémoire de travail. Néanmoins, certaines capacités – comme les savoirs accumulés ou l’intelligence cristallisée – restent relativement préservées.83 ans marque l’entrée dans la phase de vieillesse avancée. À cet âge, le cerveau connaît une nouvelle reconfiguration : les réseaux deviennent plus fragmentés et s’appuient davantage sur des connexions locales. La communication globale perd en efficacité, ce qui augmente la vulnérabilité aux fragilités cognitives et aux maladies neurodégénératives. Certaines zones plus robustes peuvent compenser partiellement, mais l’organisation générale du réseau est moins stable et moins intégrée.En résumé, cette étude montre que le cerveau ne vieillit pas de façon linéaire. Il traverse cinq grandes phases, avec des changements profonds à 9, 32, 66 et 83 ans. Ces âges clés correspondent à des réorganisations profondes : apprentissage fondamental, maturité cognitive, entrée dans le vieillissement et vieillesse avancée.
Comment éteindre un feu avec du son ?
02:39|Eteindre un incendie avec… du son. L’idée semble relever de la fiction, et pourtant elle repose sur des principes physiques parfaitement maîtrisés. Depuis quelques années, des chercheurs et des ingénieurs conçoivent des extincteurs qui n’utilisent ni eau, ni mousse, ni CO₂, mais simplement des ondes sonores à basse fréquence. Leur efficacité s’appuie sur trois phénomènes clés : les variations de pression, la déstabilisation du front de flamme, et l’éloignement de l’oxygène.Pour comprendre ce mécanisme, il faut revenir à la nature d’une flamme. Un feu n’est pas un objet, mais une réaction chimique auto-entretenue, appelée combustion, qui nécessite trois éléments : un carburant, une source de chaleur et un comburant, en général l’oxygène de l’air. Supprimez l’un des trois, et la combustion s’arrête. Les extincteurs sonores ne retirent pas le carburant ni la chaleur : ils agissent directement sur l’oxygène.Les appareils utilisent des ondes sonores très graves, généralement entre 30 et 60 hertz. À ces fréquences, le son produit de larges oscillations de pression dans l’air, capables de perturber la zone de combustion. Une onde sonore n’est rien d’autre qu’une succession de compressions et de décompressions de l’air ; lorsqu’elle est dirigée vers une flamme, elle impose à la colonne d’air un mouvement rapide et répétitif. Ce mouvement chasse littéralement l’oxygène hors du front de flamme, au même titre que souffler sur une bougie, mais de façon bien plus contrôlée et régulière.L’effet n’est pas seulement un déplacement mécanique du comburant. Les basses fréquences provoquent aussi des turbulences qui « étirent » la flamme, ce qui réduit sa température locale. Or, si la température baisse en-dessous du seuil nécessaire pour entretenir la réaction chimique, la combustion s’éteint. Le feu n’est donc pas “soufflé”, mais bel et bien étouffé, privé de l’environnement stable dont il a besoin pour se maintenir.Ce type d’extinction présente plusieurs avantages. Il n’utilise aucun produit chimique, ne laisse aucun résidu et n’endommage pas les surfaces. Il est particulièrement adapté aux feux domestiques, aux laboratoires, aux cuisines industrielles ou à l’électronique, où l’eau serait dangereuse. Ses limites sont également connues : il fonctionne surtout sur les feux de petite taille et ne coupe pas le carburant. Un feu qui se nourrit continuellement d’une source massive d’énergie ou de matière brûlable ne pourra pas être arrêté par le son seul.Néanmoins, ces extincteurs acoustiques ouvrent une voie prometteuse. Ils illustrent comment la physique des ondes peut, littéralement, priver un feu de voix et le faire disparaître.
Pourquoi un cycliste fait-il moins d'effort devant une voiture ?
02:01|On connaît bien l’aspiration qui aide le cycliste placé derrière un véhicule : en profitant de la zone de basse pression créée dans son sillage, il pédale plus facilement. Mais un chercheur néerlandais a récemment démontré un phénomène beaucoup plus surprenant : un cycliste placé devant une voiture bénéficie lui aussi d’un effet aérodynamique favorable. Autrement dit, la simple présence d’un véhicule derrière lui peut réduire son effort… même s’il le précède.Comment est-ce possible ? Lorsqu’une voiture roule, elle ne se contente pas de laisser une traînée d’air derrière elle. Elle exerce aussi une pression sur la masse d’air située devant sa calandre, la poussant vers l’avant. Cette « vague d’air » n’est pas violente au point de déstabiliser un cycliste, mais suffisante pour modifier subtilement la distribution des pressions autour de lui. Résultat : la résistance de l’air que le cycliste doit affronter diminue.Pour comprendre ce mécanisme, il faut rappeler que l’essentiel de l’effort d’un cycliste à vitesse constante sert à lutter contre le vent relatif. Plus il avance vite, plus cette résistance croît de façon non linéaire. Or, le véhicule en approche crée une zone où l’air est légèrement comprimé devant lui, ce qui réduit la différence de pression entre l’avant et l’arrière du cycliste. Cette réduction, même très faible, suffit pour abaisser la traînée aérodynamique. Le cycliste dépense alors moins d’énergie pour maintenir la même vitesse.Les mesures réalisées dans des conditions contrôlées sont étonnantes : avec une voiture située à environ trois mètres derrière, un cycliste peut gagner plus d’une minute sur un contre-la-montre de 50 kilomètres. Un avantage spectaculaire, comparable à celui obtenu en changeant de matériel ou en optimisant sa position sur le vélo.Cet effet explique certaines situations observées en compétition, où des cyclistes précédant un véhicule d’assistance semblent progresser avec une aisance inattendue. C’est aussi pour cette raison que les règlements du cyclisme professionnel encadrent strictement les distances entre coureurs et véhicules suiveurs, afin d’éviter des gains artificiels liés à l’aérodynamique.Mais ce phénomène soulève aussi des questions de sécurité. Pour bénéficier de cet avantage, il faut qu’un véhicule se trouve très près du cycliste — une situation dangereuse sur route ouverte. Néanmoins, du point de vue purement scientifique, cette découverte révèle à quel point l’aérodynamique du cyclisme est subtil : même l’air déplacé devant une voiture peut alléger l’effort d’un sportif.En bref, si un cycliste pédale plus facilement lorsqu’une voiture le suit de près, ce n’est pas un hasard : c’est la physique de l’air en mouvement qui lui donne un sérieux coup de pouce.
Pourquoi des os ont-ils été abandonnés dans la rue en Allemagne ?
02:31|L’affaire commence comme une scène de roman noir. En pleine nuit, quelqu’un dépose discrètement une vitrine en verre devant le siège d’un service archéologique en Allemagne, dans la ville de Spire, devant l'antenne locale de l'Office archéologique .À l’intérieur : des os humains, des fragments de tissus anciens, et ce qui ressemble à du mobilier funéraire. Aucun message, aucune revendication, aucune explication. Juste un colis macabre et un mystère qui intrigue aujourd’hui les archéologues aussi bien que la police.Pourquoi cette histoire fascine-t-elle autant ? D’abord parce que les premiers examens ont confirmé que les os ne sont pas récents : il s’agit bien de restes humains médiévaux, probablement âgés de plus d’un millénaire. Autrement dit, quelqu’un a eu entre les mains un matériel archéologique sensible — et l’a déposé comme une bouteille à la mer. Le geste est totalement inhabituel : les découvertes de ce type sont en général signalées obligatoirement aux autorités, car elles relèvent du patrimoine national.L’énigme s’épaissit lorsque les experts constatent que les objets dans la vitrine semblent appartenir à une même sépulture. Les tissus, bien que fragmentaires, évoquent un linceul ou des vêtements funéraires. Certains os portent même des traces suggérant un ensevelissement ancien, non une manipulation moderne. Tout laisse penser qu’un tombeau médiéval a été ouvert — mais par qui ? Et pourquoi le fruit de cette fouille clandestine se retrouve-t-il déposé anonymement devant des archéologues ?Plusieurs hypothèses sont envisagées. Une première piste évoque un pilleur de tombes amateur, effrayé par l’illégalité de sa découverte et cherchant à se débarrasser rapidement des preuves. Une autre suggère un héritage encombrant, retrouvé dans une cave ou un grenier, et confié anonymement aux autorités pour éviter les complications. Mais certains spécialistes privilégient une version plus troublante : quelqu’un aurait volontairement voulu attirer l’attention sur une fouille illicite, ou signaler qu’un site archéologique est en danger.Ce qui frappe aussi les experts, c’est la façon dont les restes ont été déposés : proprement, méthodiquement, comme si le mystérieux donateur voulait transmettre un message. Mais lequel ? S’agit-il d’un acte de conscience, d’une dénonciation silencieuse, ou d’un simple abandon ?Pour l’instant, personne ne sait. La vitrine et son contenu sont désormais entre les mains de spécialistes en anthropologie et en datation. Une enquête de police a été ouverte pour déterminer l’origine des os, identifier la tombe dont ils proviennent et comprendre les circonstances de ce dépôt nocturne.Ce qui est certain, c’est que cet étrange geste soulève autant de questions qu’il n’apporte de réponses. Et rappelle que l’archéologie n’est pas seulement une science du passé, mais parfois aussi une enquête sur le présent.
Pourquoi la découverte d'une “pierre de lecture” est-elle exceptionnelle ?
02:34|Une pierre de lecture est un outil médiéval aujourd’hui presque oublié, mais qui fut essentiel dans les universités et les monastères. Il s’agit d’un petit bloc de pierre lisse et lourd, utilisé pour maintenir les manuscrits ouverts, les stabiliser sur une table et parfois les surélever pour faciliter la lecture à la lumière naturelle. Dans un monde où les livres étaient rares, en parchemin rigide et très épais, ces pierres permettaient aux lecteurs — étudiants, moines, copistes — de travailler plus longtemps sans abîmer les textes. Elles sont donc parmi les objets les plus concrets et les plus intimes du travail intellectuel médiéval.C’est ce qui rend la découverte réalisée sous le Hertford College, à Oxford, absolument exceptionnelle. Depuis 2024, les archéologues d’Oxford Archaeology fouillent les sous-sols de ce collège historique. Ils y ont mis au jour un ensemble d’une richesse inattendue : anciennes salles d’étude, fragments de manuscrits et objets liés à la vie savante… mais surtout une pierre de lecture parfaitement conservée, un fait rarissime.Pourquoi cet objet attire-t-il autant l’attention des chercheurs ? D’abord parce que très peu de pierres de lecture médiévales sont parvenues jusqu’à nous. Ces outils du quotidien, manipulés pendant des siècles, ont souvent été brisés, réutilisés comme simples cailloux ou perdus lors des réaménagements urbains. En retrouver une intacte, dans son contexte d’usage, relève presque du miracle archéologique.Ensuite, cette pierre nous ouvre une fenêtre directe sur les pratiques d’apprentissage du Moyen Âge. Le site du Hertford College est situé dans l’un des berceaux historiques de l’enseignement universitaire en Europe. Découvrir un outil de lecture sur le lieu même où les premiers étudiants médiévaux lisaient, prenaient des notes et débattaient, permet de comprendre comment ils travaillaient concrètement : comment ils manipulaient des livres parfois immenses, comment ils organisaient leur espace d’étude, comment ils géraient la pénombre des salles avant l’électricité.La trouvaille est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un ensemble cohérent : la pierre de lecture a été retrouvée entourée de manuscrits, d’objets d’écriture, de sols médiévaux et d’anciens murs de salles d’étude. Cette combinaison constitue une véritable capsule temporelle pédagogique, extrêmement rare en archéologie, où l’on peut analyser non seulement un objet, mais tout un environnement intellectuel.Enfin, pour une université comme Oxford, riche de près d’un millénaire d’histoire, cette pierre revêt une dimension symbolique puissante. Elle incarne la continuité du savoir : elle a servi à maintenir ouverts les textes d’autrefois, tout comme les bibliothèques modernes maintiennent aujourd’hui ouverte la production scientifique.En somme, cette pierre n’est pas seulement un objet ; c’est un témoin précieux de la manière dont, au Moyen Âge, on apprenait, on lisait et on transmettait le savoir.
Pourquoi nos ancêtres sont-ils restés bloqués pendant 300 000 ans ?
02:58|Une découverte majeure publiée dans Nature Communications bouleverse notre manière de raconter l’histoire de l’humanité. Sur le site kényan de Nomorotukunan, les archéologues ont mis au jour un phénomène fascinant — et déroutant. Pendant près de 300 000 ans, des générations d’hominidés y ont façonné exactement les mêmes outils en pierre, sans la moindre innovation. Pas de progrès, pas de variation notable, pas d’amélioration technique. Une immobilité totale dans un monde pourtant en pleine mutation.Cette persistance dans la répétition interroge. On a longtemps imaginé la préhistoire comme une aventure continue d’inventions brillantes menant progressivement à l’Homo sapiens moderne. Mais Nomorotukunan raconte une autre histoire : celle d’une humanité qui, pendant une immense portion de son existence, a fait du conservatisme technologique la norme plutôt que l’exception.Les outils retrouvés ne sont pas n’importe quels objets : ce sont des artefacts appartenant à la tradition Oldowayenne, l’une des plus anciennes technologies humaines, apparue il y a environ 2,6 millions d’années. Ce sont des éclats simples, produits en frappant deux pierres l’une contre l’autre, utilisés pour couper, racler ou broyer. Leur fabrication, quasi immuable, suggère une maîtrise transmise, mais jamais réinventée. Cela implique des pratiques pédagogiques, une culture matérielle stable et, surtout, une absence totale de pression à innover.Comment expliquer cette stagnation ? D’abord, ces outils étaient probablement suffisants pour répondre aux besoins du quotidien. Quand une technologie fonctionne parfaitement pour chasser, découper ou dépecer, pourquoi en changer ? Ensuite, les hominidés de cette époque vivaient dans des environnements où la stabilité culturelle importait davantage que l’expérimentation individuelle. L’innovation, loin d’être une valeur universelle, est un concept moderne.Cette découverte nous oblige aussi à revoir notre définition du « progrès ». Ce que nous percevons aujourd’hui comme une évolution naturelle — l’amélioration continue des technologies — est en réalité une anomalie récente à l’échelle de notre histoire. Pendant des centaines de milliers d’années, le véritable pilier de la survie humaine n’était pas la créativité, mais la continuité.L’immobilité de Nomorotukunan n’est donc pas un signe d’infériorité intellectuelle. Au contraire, elle révèle que ces populations maîtrisaient déjà un savoir-faire optimisé, durable et parfaitement adapté à leur mode de vie. Le progrès n’était pas une priorité : la transmission fidèle d’un geste ancestral était la clé de la survie.En fin de compte, cette découverte bouleverse notre récit : l’humanité n’a pas toujours avancé grâce à l’innovation. Pendant la majorité de son histoire, elle a avancé grâce à la tradition.
Pourquoi ne détournons-nous pas une partie des rayons solaires vers l’espace ?
02:56|Pour lutter contre le réchauffement climatique, certains scientifiques ont imaginé une solution spectaculaire : renvoyer une partie des rayons du Soleil vers l’espace pour refroidir la Terre. Cette approche fait partie de la « géo-ingénierie solaire » et porte un nom : Solar Radiation Modification (SRM). L’idée semble simple : si la planète recevait un peu moins d’énergie solaire, elle se réchaufferait moins. Pourtant, malgré son apparente élégance, cette stratégie n’est pas utilisée — et pour de bonnes raisons.La Terre renvoie naturellement environ 30 % de la lumière qu’elle reçoit. En augmentant ce pourcentage, on pourrait réduire la température globale. Plusieurs techniques ont été proposées. La première consiste à éclaircir les nuages marins : en pulvérisant de fines gouttelettes d’eau de mer dans l’air, on rendrait ces nuages plus blancs, donc plus réfléchissants. Une autre option serait d’envoyer des aérosols dans la stratosphère, formant une couche diffuse renvoyant une partie du rayonnement solaire vers l’espace — un phénomène comparable à celui observé après de grandes éruptions volcaniques.Mais ces idées, souvent évoquées dans les négociations climatiques – comme à la COP 30 au Brésil – se heurtent à de grands obstacles techniques, climatiques et politiques. D’abord, les aérosols utilisés ne restent que peu de temps dans l’atmosphère. Pour maintenir un effet rafraîchissant, il faudrait en réinjecter en permanence, pendant des décennies voire des siècles. Si ce système s’arrêtait brusquement, la Terre rattraperait très vite le réchauffement « masqué » : on assisterait alors, en une ou deux décennies, à un bond de température brutal, bien plus dangereux que le réchauffement progressif actuel.Ensuite, les scientifiques s’accordent sur un point critique : le SRM ne règle pas les causes du réchauffement. Il réduit la chaleur reçue, mais laisse inchangé le CO₂ dans l’atmosphère. Cela signifie que l’acidification des océans continuerait, que les impacts sur les écosystèmes persisteraient, et que la concentration de gaz à effet de serre poursuivrait sa hausse silencieuse.Pire encore, les modèles climatiques montrent que cette méthode pourrait dérégler les précipitations dans certaines régions. Certaines zones pourraient recevoir moins de pluie, d’autres davantage, affectant agriculture, ressources en eau et stabilité géopolitique. Or personne ne peut garantir à l’avance quelles régions seraient gagnantes ou perdantes.En résumé, détourner les rayons solaires n’est pas une solution miracle. C’est une technologie encore incertaine, risquée, coûteuse à maintenir et incapable de traiter la cause principale du problème : nos émissions. Tant que celles-ci ne diminuent pas réellement, le SRM ne serait qu’un pansement fragile sur une blessure profonde.