Passion passions

À 20 ans, en 2016, Rod Paradot, repéré lors d'un casting sauvage, remportait le César du meilleur espoir masculin pour son rôle de Malony dans La Tête haute, d'Emmanuelle Bercot. En 2018, il chopait le Molière de la révélation masculine. Sept ans plus tard, il est à l'affiche de la pièce de théâtre Killer Joe, au théâtre de l'Œuvre (Paris), et il arrive avec une autre révélation: ce qu'il aime dans la vie, qui le fait se sentir exister, ce sont les sensations fortes, et plus particulièrement les sauts dans le vide. Celui qui consiste à monter sur scène, devant un public à convaincre, mais aussi les vrais: le parapente, le parachute... C'est simple: il n'est jamais aussi détendu que quand il est dans les airs. Dans cet épisode, on parle de poser sa tête sur l'épaule de quelqu'un en qui on a confiance et de ce que l'on voit depuis le deuxième étage de la tour Eiffel. Entre autres.

Si vous êtes comme Blandine et moi, vous faites partie de cette génération qui a vécu l'arrivée et l'âge d'or de la téléréalité. Vous avez été subjugués par la scène de la piscine dans Loft Story (puis, plus tard, par son traitement médiatique), vous avez envoyé des chiffres à des numéros surtaxés pour que vos candidats préférés restent dans la Star Ac', vous avez les réfs de "Ayem, enchantée" ou "Il faut sacher qu'il s'est pris des râteaux phénoménals par Nabilla, bien sûr que oui" et vous suivez de près la rupture de Jessica et Thibault. Si vous êtes comme Blandine et moi, vous faites aussi partie de cette génération qui a vécu le déclin et la remise en question de tout ce monde-là. Parce que la téléréalité, ce n'est pas que du fun, contrairement à cet épisode. Et sinon, en plus d'être une pro de la téléréalité, Blandine Lehout est humoriste. Elle joue son spectacle La Vie de ta mère à Paris et partout en France. Ses thèmes de prédilection? Manger et faire des gosses. Une vraie candidate de téléréalité, finalement (sans les placements de produit).

Après avoir réussi à vous faire rire des jeux McDo ou des gerberas avec ses spectacles, Paroles Paroles puis Arecibo, et à vous faire regarder Quotidien, Louis Cattelat se lance le défi de vous parler des maisons bulles pendant 25 minutes, sans que jamais vous vous demandiez "Mais qu'est-ce qu'il me veux le monsieur ?". Pari réussi : vous n'aviez pas de passion, eh bien vous en avez désormais une, et ce sont les maisons entièrement rondes construites au pistolet. Dans cet épisode, on parle de meubles arrondis, de La Grande-Motte, d'être une amande, des années 70, de voler avec panache, de la place qu'occupe la maison dans le cours de la vie et de biens immobiliers à 300 millions d'euros.

Peut-être l'avez-vous déjà remarqué : les couleurs ont tendance à disparaître. Les villes sont gris ardoise, les voitures sont gris acier, l'actualité est gris anthracite, et il suffit d'avoir envie d'un nouveau canapé pour se rendre compte que s'asseoir sur autre chose que du grège est devenu un statement. Camille Goudeau, romancière, actrice et bouquiniste, autrice des Chats éraflés (2021) et de Crache le soleil (2025), est donc venue dans Passion Passions pour crier haut et fort sa passion pour les couleurs vives et dire à quel point elles nous apportent des informations essentielles. Sont cités dans cet épisode : le bleu Klein, le jaune poussin, le jaune fluo, le rouge joie et l'orange magnifique de la couverture de Lumière d'août , de William Faulkner.

Les Gilets jaunes, Pierre Niney, les gens qui se baignent dans la Seine, le Festival de Cannes, Médine chez le barbier, Bigflo et Oli en tournée ou au Rose Festival, le GP d'Italie, la tête d'Aymeric Lompret dans une boîte d'œufs, une voiture de flics qui brûle, des chiens qui en valent le coup, Simone Biles en train de voler de bonheur... Tant d'images qui montrent qu'Odieux Boby prend sa mission de photo-reporter très à cœur. Presque autant que son amour pour l'Olympique de Marseille. Une passion qui lui permet de profiter des deux : les stickers –qu'il ne collectionne pas, parce qu'il préfère les coller, que ce soit sur son frigo, en haut de la tour Eiffel ou dans les vestiaires des joueurs du Toulouse FC.  Dans cet épisode, on a parlé de sa grand-mère, de sites d'ultras, de side-cars, de surfaces planes, de guerres froides et de comment les stickers permettent de rendre les tirages photos accessibles à tout le monde. Vraiment un Odieux moment.Lire : Cafoucho, de Boby (Fisheye)

Après dix ans passés à mettre son humour et son doctorat d'histoire au profit de sa chaîne YouTube, Manon Bril s'est écrit un one-woman-show, intitulé 300 000 ans, qu'elle jouera à L'Européen, à Paris, dès septembre 2025, puis dans toute la France, et dans lequel elle continue de vulgariser les temps qui nous ont précédés, le monde qui nous entoure, la mythologie et les trouvailles archéologiques. Elle y invoque les hommes aux petites bites, Patrick le scientifique pas biaisé du tout, le bouc du dessin animé Hercule ou encore Stéphane Bern, tout ça pour nous mettre face à deux vérités: la misogynie est partout, et nous et nos traditions ne sommes rien du tout à l'échelle de l'humanité. Dans cet épisode, elle déclare sa flamme à Drag Race, la Coupe du monde des femmes et de la communauté LGBTQIA+, qui lui a fait découvrir le plaisir de vibrer très fort à plusieurs en regardant une compétition. Et vous donne son avis sur Louis XIV.

Irène Drésel est la seule femme à avoir remporté le César de la meilleure musique originale, en 2023, pour avoir plongé le film À plein temps, d’Éric Gravel, avec Laure Calamy, dans une ambiance sonore faite de sons saccadés qui rappellent le temps qui passe trop vite, le cœur qui s’accélère et l’angoisse montante d’une semaine dont on ne voit jamais la fin et qui recommencera indéfiniment. Elle produit de la musique électronique et vous la reconnaîtrez facilement : elle est souvent entourée de fleurs. On le sait moins, mais elle est aussi souvent entourée de poules. Dans cet épisode, vous apprendrez donc pourquoi il faut couler une dalle de béton dans un poulailler, comment on fait faire naître des poussins dans sa salle de bains et à quoi sert de faire sécher des orties. Il s'écoute tout en douceur, comme une séance d’ASMR. Une séance d’ASMR où on parle de mort et de crotte au cul, certes, mais une séance d’ASMR quand même.

En 1995 débutait la carrière de Mathieu Boogaerts, avec un album intitulé Super. Il avait alors les cheveux touffus et bruns et des baskets blanches. Trente ans plus tard, les cheveux sont devenus gris, les baskets beiges, et Mathieu Boogaerts sort son neuvième album, Grand Piano. Il y a quelque chose, quand même, qui n'a pas changé : la dévotion de Mathieu pour les soupes de nouilles. Laissez-le donc vous parler du plus vieux resto de ramens parisien, dans lequel il est allé manger plus de 1 500 fois (il a compté). Laissez-le évoquer à vos oreilles la transmission de cet amour de père en fils dans sa famille. Laissez-le, enfin, vous décrire avec poésie le plaisir du bouillon salé qui vient réchauffer l'œsophage. À un moment, il fait même slurp slurp, vous verrez.