Héritages

Des profils atypiques. C'est ainsi que Laetitia décrit les parcours migratoires des membres de sa famille. Thaïlandaise, sa grand-mère, universitaire, emménage un temps en France dans le cadre de son travail.'"C'est intéressant parce que généralement, les personnes racisées sont considérées comme des immigrées. Ma grand-mère avait le statut privilégié d'expatriée puisqu'elle est venue de par son métier bien payé avant de repartir en Thaïlande" ", explique Laetitia. C'est sa maman, Nat-Kitima qui retourne finalement s'installer en France. Aujourd'hui, Laetitia a trois nationalités : thaïlandaise, française et belge. Et elle est la mère adoptive d'un petit Thaïlandais. Avec Nat-Kitima, elle remonte le fil de ces voyages et de son rapport à la culture thaï.

Un échange entre deux personnes d'une même famille mais de générations différentes. C'est la première idée que l'on se fait de la transmission. Mais cela ne concerne pas tout le monde, ou en tout cas pas de la même façon. Cette fois-ci, on t'emmène à la rencontre de Tiana, née au Népal et adoptée par un couple de Français, et de Sabri, Bruxellois issu d'un mariage belgo-turc. Des vécus différents mais une réalité commune : un décalage entre l'identité que la société leur assigne et celles qu'ils revendiquent. Au cœur de l'épisode : le besoin d'appartenance, la valeur qu'on donne à nos héritages et l'adoption transraciale.

Marisa, retraitée, est la sœur de Marco, sociologue belge d’origine italienne. C’est à Flémalle, dans leur maison familiale, qu’ils nous ont accueilli pour partager leurs souvenirs. Celui de leur père, beaucoup, mais aussi des accords charbons entre la Belgique et l’Italie, du lourd travail dans les mines et des mauvaises conditions de vie de la main-d'œuvre étrangère. Marisa, plus timide mais déterminée, nous a fait rire en parlant de choux et émues en évoquant le rôle que sa mère occupait au sein de la famille mais aussi dans la société. Elle s’est aussi livrée sur l’éducation qu’elle a reçue. L’occasion pour Marco de  souligner la différence de traitement entre hommes et femmes, au sein et à l’extérieur du foyer. Un épisode qui évoque les préjugés, les discriminations socio-économiques et l’intersectionnalité mais surtout la persévérance, la volonté d’apprendre et de comprendre, la lutte pour un monde plus juste.

Prendre la parole en public et occuper l'espace, rien de bien compliqué pour Miguel. Mais pour nous aujourd'hui, le jeune Bruxellois fait un pas de côté pour laisser sa mère prendre la lumière. Celle qui leur a fait traversé l'océan, de leur Colombie natale à Bruxelles alors qu'il était encore bébé. Celle qui s'est battue pour leur offrir de nouvelles possibilités. Qui n'a cessé de travailler pour leur offrir des papiers. Qui a trouvé des subterfuges face à la précarité et aux logements insalubres. Celle sans qui rien ne serait possible, assure-t-il. Celle qui a accepté de partagé son vécu, guidé par l'amour face aux obstacles : Maria Ofelia. 

Institutrice et formatrice en communication non violente, Esma est une éternelle optimiste. Elle cherche toujours le bien en toute personne et en toute chose. Son père Ismaïl se dit, lui, pragmatique, pas naïf. Bref, il n’est pas convaincu que la société changera pour un mieux. C’est qu’il a connu l’exil, l’abandon de son père et l’obligation d’arrêter ses études pour subvenir aux besoins du foyer. A nos micros, ces deux caractères forts ont échangé leurs points de vue, tantôt similaires, comme sur l’importance de la représentation, tantôt diamétralement opposés, comme sur la transmission de la culture d’origine. Le ton est parfois monté mais parce que chez elleux on parle fort. Une façon pour Esma de briser le silence après des années sans rien connaître de son appartenance Rom des Balkans. 

Étudiante en journalisme, Jihane a convaincu sa mère, Touria, de trouver deux heures dans son agenda plus que chargé pour se poser et discuter migration, identité, féminisme et engagement. C’est ainsi qu’elles nous ont accueillies chez elles, à deux pas de Bruxelles, autour d’une table joliment garnie. De la façon dont leur (grand-)père a quitté le Maroc et s’est installé à Bruxelles à la manière dont cela a impacté l’enfance de Touria, en passant par la façon dont elles conçoivent leur double culture, elles ont échangé, se sont interrogées, surprises, redécouvertes. De la transmission, des rires et des larmes : frissons garantis !

Héritages, c’est la quête identitaire et engagée de trois héritières, Gloria Mukolo, Sarra El Massaoudi et Stephania Bosnjak. Micros en main, elles partent à la rencontre de personnes racisées qui acceptent de raconter leur histoire migratoire. L’objectif : revaloriser ces récits trop souvent dénigrés ou invisibilisés et assurer une transmission. Transmission intra-familiale d’abord, puisque chaque épisode permet à deux personnes d’une même famille mais de générations différentes d’échanger sur leurs vécus et expériences. Transmission au sens large ensuite, car chaque histoire, même lorsque les époques, les lieux et les personnages diffèrent, fait écho d’une manière ou d’une autre en chacun.e de nous.