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Choses à Savoir PLANETE

Qu’est-ce que l’AMOC, et pourquoi son affaiblissement menace l’Europe ?

L’AMOC, pour Atlantic Meridional Overturning Circulation, est l’un des moteurs climatiques les plus importants de la planète. Il s’agit d’un immense tapis roulant océanique qui transporte la chaleur depuis les tropiques vers l’Atlantique Nord. Le principe est simple : les eaux chaudes et salées du golfe du Mexique remontent vers l’Europe, se refroidissent en arrivant près du Groenland, deviennent plus denses et coulent en profondeur, avant de redescendre vers le sud. Ce cycle, continu depuis des millénaires, contribue à adoucir le climat de l’Europe occidentale, à stabiliser les saisons et à réguler les échanges thermiques à l’échelle mondiale.


Mais depuis plusieurs décennies, les scientifiques constatent que ce système se fragilise. Le réchauffement climatique fait fondre les glaces du Groenland, apportant de grandes quantités d’eau douce dans l’Atlantique Nord. Or, une eau moins salée est aussi moins dense : elle a plus de mal à couler. Résultat : le moteur de l’AMOC ralentit. Plusieurs études, dont celles publiées dans Nature Climate Change et Science Advances, suggèrent que l’AMOC est aujourd’hui à son plus faible niveau depuis plus d’un millénaire.


On parle souvent d’un risque d’effondrement de l’AMOC, un scénario extrême mais pris très au sérieux. On sait qu’un tel événement, dans le passé, a provoqué des refroidissements brutaux de plusieurs degrés en Europe. Mais ce que l’on connaît moins, c’est l’autre conséquence potentiellement catastrophique : selon des travaux récents, un affaiblissement durable de l’AMOC pourrait entraîner une augmentation massive et prolongée des sécheresses en Europe, non pas sur quelques décennies, mais sur près de 1000 ans.


Comment est-ce possible ? Lorsque l’AMOC ralentit, moins de chaleur est transportée vers le nord. Cela modifie la position des jets streams et change la répartition des précipitations. En particulier, l’Europe du Sud et de l’Ouest recevrait beaucoup moins d’humidité. Les modèles climatiques montrent qu’un AMOC affaibli pourrait entraîner une aridification comparable à celle observée dans certaines régions méditerranéennes, mais étendue à une grande partie du continent.


Une telle sécheresse de longue durée affecterait l’agriculture, la disponibilité de l’eau potable, les écosystèmes forestiers et la stabilité économique de nombreux pays européens. Ce ne serait pas un épisode ponctuel, mais un basculement durable du climat, dont les effets s’étaleraient sur des centaines de générations.


Ainsi, l’AMOC n’est pas seulement un courant océanique : c’est l’un des gardiens silencieux de l’équilibre climatique européen. Et son affaiblissement pourrait transformer radicalement notre continent.

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  • Les éoliennes sont-elles responsables du réchauffement des océans ?

    02:13|
    Depuis quelque temps, une idée surprenante se répand sur certains sites conspirationnistes : les éoliennes en mer seraient responsables du réchauffement des océans. Cette affirmation, totalement infondée scientifiquement, s’appuie notamment sur un article publié par The Epoch Times, un média connu pour diffuser régulièrement des théories complotistes. Relayée ensuite par l’association des Climato-Réalistes, cette rumeur prétend que les turbines offshore brassereraient l’eau, perturberaient les courants marins et contribueraient ainsi à une hausse de la température des océans.Mais d’où vient cette idée ? Elle s’appuie sur une mauvaise interprétation — volontaire ou non — d’études scientifiques portant sur les micro-effets locaux des éoliennes. Certaines recherches ont en effet montré que les parcs offshore peuvent créer de légères modifications dans la circulation de l’eau immédiatement autour des fondations : des tourbillons, une redistribution locale des sédiments ou une modification très ponctuelle de la vitesse du courant. Rien d’étonnant : tout obstacle dans un fluide, qu’il s’agisse d’un rocher ou d’une plateforme pétrolière, provoque des effets similaires.Là où la rumeur déraille totalement, c’est quand elle transforme ces phénomènes locaux et minimes en un phénomène planétaire et massif. Scientifiquement, c’est impossible. La quantité d’énergie générée par les éoliennes est dérisoire comparée aux forces qui pilotent réellement la température des océans : l’ensoleillement, les vents globaux, la salinité, les échanges thermiques avec l’atmosphère et, surtout, le piégeage de chaleur dû aux gaz à effet de serre. Pour donner une idée : en un an, l’ensemble des éoliennes mondiales modifie moins la dynamique de l’océan qu’une seule journée de vent sur l’Atlantique.Par ailleurs, si les éoliennes réchauffaient réellement les océans, on devrait observer une différence de température mesurable autour des parcs offshore. Or, aucune étude océanographique ne rapporte un tel phénomène. Les données satellitaires et les mesures in situ montrent que le réchauffement océanique suit une tendance globale liée à l’augmentation des émissions de CO₂, et non à l’installation d’infrastructures énergétiques.Alors pourquoi cette rumeur persiste-t-elle ? Parce qu’elle sert un récit politique : discréditer les énergies renouvelables en leur attribuant des conséquences imaginaires. Ces théories rencontrent un certain succès car elles proposent une explication simple — et fausse — à un problème complexe.La réalité scientifique est limpide : le réchauffement des océans est dû à l’accumulation massive de chaleur dans la couche supérieure de la planète, directement provoquée par les gaz à effet de serre. Les éoliennes, elles, ne font que produire de l’électricité sans émettre de CO₂.
  • Pourquoi des microbes pourraient désamorcer la “bombe méthane” ?

    02:29|
    Depuis des années, les climatologues redoutent un scénario catastrophe : la libération massive de méthane piégé dans le permafrost arctique. Ce gaz est 80 fois plus puissant que le CO₂ à court terme, et sa libération rapide pourrait accélérer le réchauffement climatique de manière incontrôlable. On appelait ce risque la “bombe méthane”. Mais une nouvelle étude publiée dans Communications Earth and Environment vient bouleverser cette vision. Selon les chercheurs, certains microbes pourraient jouer un rôle inattendu : neutraliser une partie importante du méthane avant qu’il ne rejoigne l’atmosphère.Le permafrost renferme d’immenses quantités de matière organique gelée depuis des millénaires. Avec la hausse des températures, cette matière dégèle, se décompose et produit du méthane. Jusqu’ici, on pensait que ce méthane s’échapperait directement dans l’air, formant une boucle de rétroaction dramatique : plus de chaleur → plus de fonte → plus de méthane → encore plus de chaleur.L’étude révèle cependant un mécanisme biologique longtemps sous-estimé. Dans certains sols arctiques, des micro-organismes appelés méthanotrophes — littéralement “mangeurs de méthane” — parviennent à consommer ce méthane avant qu’il ne s'échappe. Ces bactéries utilisent le méthane comme source d’énergie et de carbone, le transformant ensuite en CO₂, un gaz certes problématique, mais beaucoup moins puissant en termes d’effet de serre.Les chercheurs ont analysé des carottes de sol prélevées dans plusieurs régions du permafrost et ont découvert que la diversité et l’activité de ces microbes étaient largement supérieures à ce que l’on imaginait. Plus étonnant encore : leur efficacité augmente lorsque le sol dégèle, car les conditions deviennent plus favorables à leur métabolisme. Autrement dit, la libération progressive du méthane active en partie les organismes capables de le neutraliser.Attention toutefois : cette découverte ne signifie pas que le danger est écarté. Les méthanotrophes ne peuvent pas consommer tout le méthane. Une partie s’échappe effectivement dans l’atmosphère, et la quantité totale reste préoccupante. Mais cette réaction microbienne réduit potentiellement de 20 à 60 % les émissions que l’on anticipait dans les scénarios les plus pessimistes, selon les modélisations proposées dans l’étude.Cette découverte ouvre un nouvel horizon : le permafrost ne serait pas un simple piège à gaz prêt à exploser, mais un écosystème complexe, dans lequel la vie microbienne pourrait atténuer certains effets du changement climatique.En somme, ces microbes ne sauvent pas la planète, mais ils offrent un répit inattendu — une ligne de défense naturelle que les scientifiques commencent seulement à comprendre.
  • Faut-il écraser les bouteilles en plastique avant de les jeter ?

    01:20|
    Oui, il faut les écraser… mais dans le sens de la longueur, pas à plat.Pourquoi ne pas les écraser à plat ?Lorsque vous aplatissez une bouteille à la manière d’un sandwich, elle perd sa forme cylindrique. Résultat :les machines de tri optique ont plus de mal à l’identifier comme une bouteille en plastique,elle peut être orientée vers la mauvaise filière (papier, carton…),cela réduit la qualité du tri.Pourquoi l’écraser dans le sens de la hauteur ?Le bon geste consiste à :1. la vider,2. la compresser verticalement,3. remettre le bouchon pour qu’elle reste compacte.Écrasée en hauteur, elle conserve sa forme générale de cylindre. Les machines la reconnaissent facilement, et son volume est réduit, ce qui optimise :le transport,l’espace dans la poubelle jaune,la capacité des centres de tri.Faut-il laisser le bouchon ? Oui !Contrairement à une idée reçue, il faut laisser les bouchons vissés.Ils sont recyclés avec la bouteille et facilitent la compaction lors du transport.ExceptionsSi vous vivez dans une commune où l’on vous demande explicitement de ne pas écraser les bouteilles (rare désormais), suivez cette consigne locale.Ne jamais laver les bouteilles : cela gaspille de l’eau, et les centres de tri gèrent très bien les résidus légers.
  • Comment utiliser des cendres dans votre jardin ?

    02:26|
    Les cendres de bois, souvent issues des cheminées ou des poêles, constituent un excellent allié pour le jardin… à condition de les utiliser correctement. Riches en minéraux, elles peuvent améliorer le sol, nourrir certaines plantes et même protéger des parasites. Mais mal employées, elles peuvent appauvrir la terre ou déséquilibrer son pH. Voici comment les utiliser de manière précise et efficace.La cendre de bois contient principalement du calcium, mais aussi du potassium, du magnésium, du phosphore et divers oligo-éléments. Cela en fait un amendement minéral naturel. Cependant, sa concentration élevée en calcium lui confère un fort pouvoir alcalinisant, ce qui signifie qu’elle augmente le pH du sol. C’est un point crucial : elle doit être réservée aux terres acides ou neutres, mais jamais aux sols déjà calcaires.Première utilisation : amender le sol. Amender le sol signifie améliorer sa structure et sa qualité en y ajoutant des matériaux naturels, appelés amendements, qui n’ont pas pour objectif principal de nourrir directement les plantes, mais de rendre la terre plus fertile et plus facile à travailler. Pour cela, il suffit de saupoudrer les cendres très finement, puis de les enfouir légèrement. La dose idéale est de 70 à 100 grammes par mètre carré et par an, soit environ deux grandes poignées. Au-delà, le sol risque de devenir trop basique, ce qui bloquerait l’assimilation de certains nutriments par les plantes.Deuxième usage : fertiliser certaines cultures. Les cendres conviennent particulièrement aux légumes racines (carottes, betteraves), aux tomates et aux rosiers, car ils apprécient la présence de potassium. En revanche, elles sont à proscrire pour les plantes de terre de bruyère — rhododendrons, azalées, myrtilles — qui nécessitent un sol acide.Troisième fonction : repousser les nuisibles. Les cendres sèches constituent une barrière efficace contre les limaces et les escargots. Il suffit d’en disposer un petit cordon autour des plants. Mais cela ne fonctionne que par temps sec : la pluie transforme la cendre en pâte inefficace. Il faut donc renouveler régulièrement l’application.Quatrième atout : améliorer le compost. Une petite quantité de cendres permet de réduire l’acidité naturelle du compost et d’apporter des minéraux. La règle ici est stricte : une poignée pour 10 à 15 litres de compost. Un excès tuerait les micro-organismes responsables de la décomposition.Enfin, il faut toujours utiliser de la cendre de bois non traité : pas de palettes, pas de charbon, pas de papier coloré. Ces matériaux contiennent des substances toxiques ou des métaux lourds.Bien utilisées, les cendres deviennent un amendement gratuit, efficace et écologique. Mal dosées, elles peuvent faire plus de mal que de bien. Le secret est donc simple : modération, précision et bon sens.
  • Pourquoi notre corps souffre-t-il du monde moderne ?

    03:02|
    Notre espèce a traversé des millions d’années d’évolution, s’adaptant aux cycles naturels, aux saisons, aux pénuries alimentaires et à la mobilité constante. Pourtant, selon une nouvelle étude relayée par New Atlas, l’être humain ne serait pas biologiquement conçu pour supporter le rythme effréné imposé par les sociétés industrialisées. C’est la conclusion d’une équipe de chercheurs de l’Université de Zurich, qui a synthétisé un vaste ensemble de données portant sur l’industrialisation, l’urbanisation et la santé humaine. Leur constat est sans appel : le corps moderne n’a pas eu le temps d’évoluer pour faire face aux transformations rapides de l’Anthropocène.Depuis la Révolution industrielle, en à peine deux siècles, notre environnement a changé plus vite que jamais. Les chercheurs rappellent que l’évolution biologique fonctionne sur des milliers de générations. Or, nos conditions de vie se sont metamorphosées en quelques décennies : villes surpeuplées, polluants nouveaux, horaires décalés, alimentation ultra-transformée, exposition à la lumière artificielle et sédentarité. Pour l’équipe de Zurich, ce décalage entre notre biologie et notre mode de vie actuel provoque un véritable stress évolutif.Les conséquences sont déjà visibles. Première alerte : la baisse mondiale des taux de fertilité, observée dans de nombreux pays, même parmi les populations jeunes. Les perturbateurs endocriniens, les microplastiques, la pollution atmosphérique et l’augmentation du stress quotidien sont autant de facteurs impliqués. Biologiquement, notre système reproducteur n’a pas été conçu pour gérer cet environnement saturé de substances nouvelles.Autre signal fort : la hausse spectaculaire des maladies inflammatoires chroniques, comme les allergies, l’asthme, l’eczéma ou les maladies auto-immunes. Pour les chercheurs, la cause est claire : l’homme moderne vit dans un environnement trop propre, trop aseptisé et trop éloigné de la diversité microbienne auquel notre système immunitaire s’est adapté pendant des millénaires. Résultat : un système immunitaire dérégulé qui réagit de manière excessive.Enfin, la montée rapide d’autres troubles chroniques — obésité, diabète, troubles du sommeil, épuisement mental — illustre ce même choc entre notre biologie ancestrale et les exigences du monde moderne. Notre corps n’a pas évolué pour passer dix heures assis, dormir entouré de lumière artificielle ou consommer des calories concentrées en continu.Pour les chercheurs de l’Université de Zurich, ces phénomènes ne sont pas des anomalies isolées mais les signes d’une incompatibilité croissante entre l’Homo sapiens et l’environnement façonné depuis la Révolution industrielle. Leur étude pose une question fondamentale : comment réconcilier notre rythme biologique ancestral avec un monde qui change plus vite que notre corps ne peut s’y adapter ?
  • Pourquoi un loup pêcheur pourrait changer notre vision de la nature ?

    02:22|
    Sur les côtes sauvages de la Colombie-Britannique, un comportement inattendu vient de bouleverser les certitudes des biologistes. Un loup a été filmé en train de plonger dans l’eau, d’attraper un piège à crabes placé par des pêcheurs et de le remonter jusqu’au rivage pour se nourrir. Cette scène, aussi étonnante que fascinante, pourrait constituer la première preuve d’utilisation d’outils chez des loups sauvages – un comportement jusque-là associé aux primates, aux loutres, aux corvidés ou à quelques autres espèces dotées d’une cognition avancée.L’observation met en lumière l’incroyable plasticité comportementale des loups côtiers du Pacifique, une population déjà connue pour son mode de vie singulier. Ces loups, parfois appelés « sea wolves », passent jusqu’à 70 % de leur temps près de l’océan et tirent une grande partie de leur nourriture du littoral : poissons déposés par les marées, crustacés, œufs de saumon, phoques affaiblis. Ils nagent sur de longues distances, se déplacent d’île en île et se comportent presque comme des loups-marins terrestres. Mais rien, jusqu’ici, ne laissait imaginer qu’ils pourraient exploiter des objets humains comme instruments de prédation.Pour les spécialistes, la scène filmée révèle une capacité d’apprentissage remarquable. Le loup ne se contente pas d’ouvrir un simple contenant : il identifie un objet anthropique, comprend qu'il enferme une ressource alimentaire, déduit qu'il peut le manipuler et va jusqu’à le tirer depuis le fond marin. Ce type de séquence cognitive – exploration, adaptation, résolution de problème – témoigne d’une intelligence bien plus élaborée qu’on ne le pensait pour un grand carnivore.L’événement soulève aussi une question écologique importante : comment la faune sauvage s’adapte-t-elle à des environnements transformés par l’homme ? Dans les forêts anciennes de Colombie-Britannique, l’arrivée massive d’équipements de pêche, de déchets marins ou de structures humaines crée un nouvel écosystème matériel. Certaines espèces, comme ce loup, apprennent à les exploiter. D’autres en souffrent, s’y piégent ou s’y empoisonnent. Le comportement du loup illustre donc à la fois la résilience et la vulnérabilité des milieux côtiers face à l’activité humaine.Enfin, l’observation rappelle à quel point l’océan et la forêt forment un continuum écologique. Les loups côtiers jouent un rôle crucial dans la dynamique trophique : en se nourrissant de ressources marines, ils transportent des nutriments vers la forêt, enrichissant les sols et nourrissant indirectement d’autres espèces. Leur capacité à modifier leurs techniques de chasse pourrait donc avoir un impact sur tout l’écosystème, du rivage aux sous-bois.Ainsi, ce loup « pêcheur » n’est pas seulement un phénomène insolite : il symbolise un monde sauvage qui, face aux pressions humaines, invente de nouvelles stratégies pour survivre.
  • Pourquoi nos tomates cerises cachent-elles un désert sacrifié ?

    02:51|
    Au premier regard, les tomates cerises vendues sur les étals européens n’ont rien de controversé. Mais derrière leur peau brillante se cache l’une des réalités environnementales les plus méconnues de la région saharienne : l’essor de cultures intensives au Sahara occidental, territoire occupé par le Maroc depuis 1975, où les conditions écologiques sont mises à rude épreuve. Ce no man’s land aride, déjà fragile par nature, est devenu en cinquante ans un laboratoire agricole à ciel ouvert, au prix d’un coût environnemental massif et largement invisibilisé.Tout commence avec l’exploitation de nappes fossiles profondes, des réserves d’eau qui se sont formées il y a des milliers d’années et qui ne se renouvellent quasiment pas. Pour irriguer les serres de tomates, poivrons et melons destinés à l’exportation, ces nappes sont pompées sans relâche. L’agriculture intensive transforme ainsi un désert presque vierge en oasis artificielle, mais au prix d’un assèchement irréversible du sous-sol. C’est une fuite en avant hydrique : plus la demande augmente, plus il faut creuser, et plus le capital naturel s’effondre.Les serres elles-mêmes exigent une infrastructure lourde. Elles couvrent des kilomètres, protégées par des bâches plastiques massivement importées et fréquemment renouvelées. Le vent saharien les dégrade rapidement, générant des tonnes de déchets plastiques dont une part importante échappe au traitement. Ces fragments s’envolent, se déchirent, s’enfouissent dans le sable et finissent parfois dans l’océan Atlantique tout proche, étendant encore la pollution microplastique. On parle ici d’un système où la production de légumes « frais » est directement corrélée à la production de déchets non biodégradables.À cela s’ajoute l’usage intensif d’engrais et de pesticides typiques des monocultures tournées vers l’export. Dans un environnement désertique, ces produits chimiques ne sont ni filtrés ni dégradés par les sols, largement pauvres en matière organique. Ils s’accumulent, se volatilisent avec le vent ou ruissellent lors des rares pluies, polluant durablement un écosystème fragile, où la moindre perturbation peut durer des décennies.L’Union européenne, via ses accords commerciaux, facilite l’entrée de ces légumes sur le marché en les considérant comme des « produits marocains ». Pour les consommateurs européens, l’origine réelle reste floue, et la dimension environnementale encore davantage. En achetant ces tomates, on soutient involontairement un modèle agricole reposant sur l’épuisement d’une eau fossile, la pollution plastique et la transformation irréversible d’un des milieux les plus fragiles du monde.Ainsi, derrière chaque barquette de tomates cerises issues du Sahara occidental se pose une question simple : peut-on vraiment parler de produits « durables » lorsque leur culture assèche un désert et laisse derrière elle un paysage saturé de plastique ?
  • Pourquoi le Danemark a-t-il installé des lampadaires à lumière rouge ?

    01:32|
    Le Danemark a installé des lampadaires à lumière rouge pour une raison très précise : protéger la faune nocturne tout en maintenant un éclairage suffisant pour les habitants. L’exemple le plus documenté est celui de la municipalité de Gladsaxe, près de Copenhague, où une colonie de chauves-souris vivait le long d’un axe cyclable très fréquenté. Les éclairages publics classiques, riches en lumière blanche et en longueurs d’onde bleues, perturbent fortement ces animaux : ils modifient leur navigation, réduisent leur capacité à chasser les insectes et les exposent davantage aux prédateurs.Pour limiter cet impact, la ville a décidé d’installer un éclairage rouge à spectre étroit. Pourquoi du rouge ? Parce que cette couleur dérange beaucoup moins les espèces nocturnes. Les chauves-souris, comme de nombreux insectes et petits mammifères, sont extrêmement sensibles à la lumière blanche, mais réagissent très peu aux longueurs d’onde rouges. Cette approche permet donc de maintenir un éclairage minimal pour les cyclistes et les piétons tout en conservant des zones d’ombre favorables à la faune.Techniquement, l’aménagement repose sur deux idées : réduire la puissance lumineuse globale et utiliser des points lumineux très bas, parfois de seulement un mètre de hauteur. Cela crée des « couloirs » faiblement éclairés, espacés par des zones plus sombres où les animaux peuvent circuler et chasser sans être désorientés. Le choix du rouge a aussi une dimension symbolique : il signale à ceux qui empruntent la voie qu’ils traversent un espace écologique sensible.Ce projet s’inscrit dans un mouvement plus large d’éclairage « wildlife-friendly » adopté dans plusieurs pays : limiter la pollution lumineuse, réduire l’impact sur les écosystèmes, mais aussi économiser de l’énergie. Les municipalités testent ce type de solutions pour trouver un équilibre entre sécurité humaine, mobilité douce et protection de la biodiversité.En résumé, ces lampadaires rouges ne sont pas un choix esthétique : ils répondent à un besoin de concilier éclairage public et préservation des espèces nocturnes, les chauves-souris étant particulièrement sensibles aux perturbations lumineuses. Cette approche pourrait se généraliser dans d’autres zones naturelles ou urbaines.