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Choses à Savoir CERVEAU
Pourquoi avons-nous des trous de mémoire ?
Qui n’a jamais vécu ce moment frustrant : impossible de retrouver le nom d’une personne, un mot, un souvenir pourtant bien connu. Ces fameux « trous de mémoire » sont en réalité un phénomène naturel et même nécessaire pour notre cerveau.
Une analyse approfondie publiée en 2023 dans la revue Trends in Cognitive Sciences, qui a passé en revue plus de 80 études sur le sujet, apporte un éclairage fascinant. Contrairement à l’idée reçue, les trous de mémoire ne signalent pas forcément un dysfonctionnement cérébral. Ils seraient au contraire le reflet d’un processus actif d’optimisation de la mémoire.
Notre cerveau stocke en permanence une quantité gigantesque d’informations. Mais tout retenir serait inefficace, voire contre-productif. Comme l’explique Blake Richards, coauteur de l’analyse, « l’oubli permet de se débarrasser des informations obsolètes pour favoriser une mémoire plus flexible et plus adaptée à un environnement en perpétuel changement ».
Sur le plan neurologique, plusieurs mécanismes entrent en jeu. D’abord, l’affaiblissement des connexions synaptiques : avec le temps, les liaisons entre certains neurones s’atténuent si l’information n’est pas régulièrement réactivée. C’est un processus appelé dépôt synaptique.
Ensuite, le phénomène d’interférence : de nouveaux apprentissages peuvent entrer en compétition avec les anciens souvenirs. Par exemple, apprendre un nouveau mot de passe peut temporairement effacer le souvenir de l’ancien.
L’analyse publiée dans Trends in Cognitive Sciences souligne aussi le rôle clé de l’hippocampe, la région du cerveau impliquée dans la consolidation des souvenirs. Lors de périodes de stress ou de fatigue, le fonctionnement de l’hippocampe est perturbé, ce qui augmente la probabilité d’un trou de mémoire.
Les chiffres sont parlants : selon une étude citée dans l’analyse, environ 70 % des adultes rapportent des épisodes fréquents de mémoire défaillante, en particulier pour des détails récents. De plus, avec l’âge, la vitesse de récupération de l’information diminue : après 60 ans, le temps moyen pour retrouver un mot oublié peut doubler.
Mais rassurez-vous : dans la majorité des cas, ces trous de mémoire sont transitoires. Des stratégies simples comme le sommeil de qualité, l’exercice physique ou la répétition espacée permettent de renforcer les connexions neuronales et de limiter ce phénomène.
En somme, nos trous de mémoire ne sont pas un bug du cerveau, mais plutôt une fonction d’adaptation. Un cerveau qui oublie… pour mieux se souvenir de l’essentiel.
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La gaine de myéline est-elle plus qu’un isolant pour les neurones ?
02:18|Rediffusion En permanence, les dizaines de millions de neurones présents dans notre cerveau, et plus largement dans notre organisme, échangent des molécules chimiques dont la libération est en grande partie impulsée par la transmission de signaux électriques. Mais pour que ces signaux éclectiques puissent parfaitement circuler aux niveaux des longs prolongements des cellules neuronales, nommés axones ; la seule présence des neurones n’est pas suffisante. En effet, comme un fil éclectique propageant de l’électricité est isolé du reste de l’environnement par une enveloppe de plastique, pour que la transmission axonale puisse se faire au mieux, les axones des neurones sont également entourés d’une enveloppe isolante nommée la gaine de myéline. Cette gaine de myéline est constituée, au niveau cérébral, par l’enroulement autour de l’axone de plusieurs couches de membrane d’un autre type de cellule cérébrale, nommée les oligodendrocytes. Si de nombreuses études ont pu mettre en évidence le rôle essentiel que joue la gaine de myéline dans la conduction du signal nerveux le long des axones, ce rôle ne reposerait pas uniquement sur des propriétés isolantes.Pourquoi les femmes sont-elles plus sensibles à la cocaïne ?
01:50|Rediffusion Des travaux scientifiques ont pu mettre en évidence, qu’en moyenne, comparée aux hommes, les femmes ont tendance à passer plus rapidement d’une consommation récréative de cocaïne à une forme de dépendance ; qu’en moyenne, elles en consomment de plus grandes quantités ; qu’en moyenne, elles en ressentent des effets plus positifs ; et, qu’en moyenne, elles courent un plus grand risque de rechute après une période de sevrage. Autant d’éléments qui semblent indiquer que les femmes pourraient avoir une sensibilité accrue à cette substance et qu’elles pourraient être plus vulnérables à la dépendance à la cocaïne. Mais pourquoi les femmes seraient-elles plus sensibles à cette substance ?Que fait une promenade dans la nature sur notre cerveau ?
02:15|Rediffusion Des études scientifiques ont pu appuyer l’idée selon laquelle le fait d’évoluer dans un milieu urbain pourrait solliciter assez fortement les ressources attentionnelles des individus, alors que le fait d’être en milieu naturel pourrait, au contraire, soulager cette forte demande attentionnelle, et même permettre aux ressources attentionnelles de se reconstituer. Mais la plupart des études ayant pu aboutir à ces constatations ne l’ont souvent été qu’à partir de mesures comportementales et d’auto-évaluation de la part des participants. Les potentiels mécanismes neuronaux à l’œuvre restent assez inconnus.Le stress durant l’adolescence peut-il laisser des traces sur le cerveau ?
01:55|Rediffusion L’adolescence est une période de grands changements. Avec la puberté, le corps change, tant sur le plan physique avec une croissance rapide, que sur le plan physiologique afin d’aboutir à la maturité sexuelle.La musique permet-elle au cerveau de mieux vieillir ?
01:35|Rediffusion Avec l’âge, les capacités cognitives semblent pouvoir s’émousser. Mais nous ne semblons pas tous égaux face à cette altération. En effet, pour certaines personnes, le déclin des fonctions cognitives semble bien plus important et rapide que pour d’autres...Le contrôle du mouvement ne se trouve-t-il que dans le cerveau ?
02:08|Rediffusion Depuis longtemps, il est assez bien établi qu’en plus de l’activité de régions du cortex cérébral, deux autres structures sont particulièrement importantes pour le contrôle du mouvement volontaire. D’une part, les ganglions de la base, un regroupement de plusieurs noyaux de matière grise profondément nichés au cœur du cerveau, et d’autre part, le cervelet, une structure distincte du cerveau, positionné à l’arrière de celui-ci, mais qui partage de nombreuses connections. Alors qu’il était imaginé que ces deux structures avaient un fonctionnement assez indépendant l’une de l’autre, la découverte d’une connexion anatomique reliant le cervelet aux ganglions de la base a poussé une équipe de chercheuses et chercheurs étatsuniens à s’intéresser spécifiquement au rôle fonctionnel de cette connexion dans une étude dont les résultats ont été publiés en janvier 2024 dans les pages du journal scientifique Nature neuroscience. Pour leurs travaux, les scientifiques ont expérimentalement stimulé cette connexion anatomique partant du cervelet pour rejoindre les ganglions de la base afin d’étudier l’impact que cela pouvait avoir sur le fonctionnement cérébral et le comportement de souris.Le stress climatique peut-il modifier le cerveau avant la naissance ?
02:22|Peut-on être affecté par le changement climatique… avant même de naître ? Une étude récente publiée dans la revue PLOS One suggère que oui. Elle s’est intéressée aux effets combinés d’une tempête et d’une vague de chaleur extrême sur le développement cérébral du fœtus pendant la grossesse. Et ses résultats sont aussi fascinants qu’inquiétants.L’étude repose sur une cohorte d’enfants dont certaines mères étaient enceintes au moment du passage de l’ouragan Sandy à New York en 2012, une tempête alors accompagnée d’une chaleur exceptionnelle. Les chercheurs ont réalisé des IRM sur ces enfants plusieurs années après leur naissance, pour mesurer précisément le volume de certaines régions de leur cerveau, notamment les ganglions de la base, qui jouent un rôle clé dans le mouvement, la régulation des émotions et la prise de décision.Les résultats sont saisissants. Les enfants exposés in utero à la tempête présentaient un volume plus important dans certaines structures cérébrales, notamment le putamen et le pallidum. Cela pourrait indiquer un développement accéléré ou, au contraire, une perturbation dans la maturation normale de ces régions.Mais ce qui rend cette étude particulièrement novatrice, c’est l’effet de la chaleur extrême. À elle seule, elle ne semblait pas avoir d’impact significatif. En revanche, combinée à la tempête, elle modifiait de manière marquée la structure du cerveau : certaines zones augmentaient de volume, d’autres diminuaient, comme le noyau accumbens gauche, impliqué dans le circuit de la récompense et de la motivation.Selon la chercheuse principale, Yoko Nomura, cette double exposition a créé une « tempête neurologique parfaite ». Elle suggère que le stress climatique, lorsqu’il est intense et multiforme, pourrait avoir un effet durable sur le cerveau en développement.Ce phénomène s’inscrit dans le cadre plus large des recherches sur les « origines développementales de la santé et des maladies » : l’idée que l’environnement prénatal programme en partie la santé future de l’individu. Or, les événements climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquents : canicules, tempêtes, incendies, inondations. Et il devient crucial de comprendre leur impact sur les populations les plus vulnérables, y compris les bébés à naître.En conclusion, cette étude ouvre un nouveau champ de réflexion : le changement climatique n’affecte pas seulement notre quotidien ou notre environnement. Il pourrait bien commencer à laisser une empreinte durable… dans notre cerveau, avant même notre première respiration.Pourquoi obéissons-nous aveuglément aux ordres ?
02:20|Pourquoi des individus ordinaires peuvent-ils commettre l’irréparable simplement parce qu’on le leur a demandé ? Cette question troublante est au cœur de l’expérience de Milgram, menée au début des années 1960 à Yale. Le psychologue américain Stanley Milgram voulait comprendre jusqu’où une personne ordinaire pouvait aller par simple obéissance à l’autorité.Le principe était simple mais redoutable : des volontaires devaient administrer des chocs électriques à une autre personne (complice de l’expérience) chaque fois qu’elle répondait mal à une question. Les chocs devenaient de plus en plus puissants, et pourtant, près de 65 % des participants ont obéi jusqu’au bout, infligeant des douleurs fictives extrêmes, simplement parce qu’un chercheur en blouse blanche leur disait de continuer.Mais ce que Milgram avait mis en lumière, ce n’était pas une cruauté innée, mais un mécanisme profondément humain : la délégation de responsabilité. Face à une autorité perçue comme légitime, beaucoup cessent de se voir comme les auteurs de leurs actes. Ils obéissent, et transfèrent le poids moral de leurs gestes à celui qui donne l’ordre.Soixante ans plus tard, des chercheurs belges de l’université de Gand ont voulu pousser l’analyse plus loin : que se passe-t-il concrètement dans notre cerveau quand nous obéissons ? Grâce à l’imagerie cérébrale, ils ont observé que lorsqu’un individu reçoit un ordre, l’activité dans les zones du cerveau liées à la prise de décision autonome et au jugement moral diminue significativement.En d’autres termes, le cerveau “se met en veille” sur le plan moral lorsqu’il obéit. Les chercheurs ont aussi noté une baisse de l’activation dans le cortex préfrontal, une région-clé impliquée dans le raisonnement éthique et la réflexion personnelle. Résultat : nous ne ressentons pas la même culpabilité que si nous avions agi de notre propre chef.Plus surprenant encore, les chercheurs ont constaté que le simple fait de recevoir un ordre rendait les participants moins sensibles à la souffrance d’autrui. Comme si leur empathie était anesthésiée par la hiérarchie.Cela ne signifie pas que nous sommes tous des exécutants sans conscience, mais que notre cerveau est câblé pour privilégier la cohésion sociale et l’obéissance, parfois au détriment du libre arbitre. Historiquement, cela a pu être utile dans des groupes organisés. Mais dans certaines circonstances, cela peut mener au pire.Ainsi, que ce soit dans un laboratoire ou dans l’Histoire, l’obéissance n’est jamais neutre. Et comprendre comment notre cerveau y réagit, c’est se donner une chance d’y résister.Pourquoi n'a-t-on plus faim après avoir cuisiné ?
02:10|Avez-vous déjà passé une heure à préparer un bon repas… pour finalement ne plus avoir très faim une fois à table ? Ce phénomène courant a enfin une explication scientifique. Et elle nous vient d’une équipe de chercheurs de l’Institut Max-Planck, en Allemagne, spécialisée dans l’étude du métabolisme.Leur découverte : ce n’est pas seulement le fait de cuisiner qui coupe l’appétit, mais surtout l’inhalation des odeurs de nourriture pendant cette activité. Ces chercheurs ont mis en évidence un réseau de cellules nerveuses dans le cerveau, particulièrement sensibles aux signaux olfactifs liés à l’alimentation.Ces cellules, situées dans l’hypothalamus — la zone du cerveau qui gère entre autres la faim et la satiété — s’activent dès que nous respirons des arômes de nourriture en cours de préparation. Et une fois activées, elles envoient un signal trompeur de satiété à l’organisme. Autrement dit, notre cerveau reçoit le message : “Tu viens de manger”, alors que nous n’avons encore rien avalé.Ce mécanisme a sans doute des origines évolutives. Dans un environnement ancestral, où la chasse ou la préparation des aliments prenait du temps, il pouvait être utile de freiner temporairement la faim. Cela évitait que l’individu se jette trop tôt sur la nourriture ou qu’il soit constamment distrait par une sensation de manque.Les chercheurs de l’Institut Max-Planck ont aussi montré que ce signal de satiété, déclenché par les odeurs, est temporaire. Il ne dure généralement pas plus d’une heure. Ce qui explique pourquoi, même si on mange peu immédiatement après avoir cuisiné, l’appétit peut revenir assez vite ensuite.Autre facteur à considérer : pendant qu’on cuisine, on goûte. Une cuillère de sauce par-ci, un morceau de légume par-là… Cela suffit parfois à envoyer au cerveau des signaux lui faisant croire qu’un repas est en cours. Ces micro-bouchées, combinées à l’exposition prolongée aux odeurs, saturent peu à peu notre système de récompense.Enfin, la cuisine mobilise notre attention. Elle sollicite la vue, le toucher, l’odorat, et même l’audition. Or, cette stimulation multisensorielle intense peut détourner notre cerveau de la sensation de faim.En résumé, si nous n’avons plus aussi faim une fois le repas prêt, ce n’est pas un caprice de notre estomac, mais une réaction bien orchestrée de notre cerveau. L’étude de l’Institut Max-Planck révèle ainsi un subtil dialogue entre nos sens, nos neurones et notre appétit. C’est la preuve que, parfois, il suffit de respirer… pour se sentir rassasié.