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Ballast
Carnet du Rojava (1/3) — Corinne Morel Darleux
En mars 2016 naissait officiellement la Fédération démocratique de la Syrie du Nord, prolongement de la zone autonome du Rojava : un contrat social était mis en place, basé sur les principes du confédéralisme démocratique et du communalisme, promouvant l’écologie, l’égalité entre les sexes, l’appropriation collective de la terre, de l’eau et de l’énergie ainsi que le respect de tous les cultes. Le régime d’Assad avait aussitôt fait savoir que cette annonce n’avait « aucune valeur légale ». À l’heure où l’État turc, épaulé par des opposants armés audit régime, occupe Afrin, une région clé de la Fédération, la conseillère régionale et militante écosocialiste Corinne Morel Darleux s’est rendue sur place. Soucieuse de mieux comprendre cette révolution en cours, elle s’est entretenue avec plusieurs de celles et ceux qui s’échinent à la faire vivre, sur fond de guerre nationale et internationale. De retour, nous publions son journal de bord.
https://www.revue-ballast.fr/carnet-du-rojava-1-3/
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« Je vous quitte plein d’espoir » : un résistant communiste témoigne — Loez
22:22|Dans les rues de Paris, « toute l’extrême droite, zemmourienne et lepéniste, s’est donnée rendez-vous » en novembre dernier. Une commémoration pétainiste ? Un rassemblement anti-immigration ? Non. Une marche contre l’antisémitisme, qui a piteusement divisé la gauche et accéléré le grand ravalement de façade qu’opère l’extrême droite. Avec l’aide, précieuse, de « l’extrême centre » macroniste qui, comme l’écrit l’historien Johann Chapoutot, sème tranquillement des « petits cailloux fachos » sur son chemin. Face à cette conjoncture, il est utile de se rappeler le témoignage de Jean Courcier, condamné par Vichy à deux ans et demi de prison pour faits de résistance dès 1940, puis livré aux Allemands à la fin de sa peine et déporté au camp de concentration de Mauthausen. Nous l’avions rencontré à Rennes fin avril 2007. Il nous avait alors montré son uniforme de déporté : cousu sur la poitrine, le triangle rouge qui l’identifiait comme communiste ; sur le cœur et au milieu du dos, comme une cible, un disque de la même couleur le signalait comme forte tête. Témoigner lui était vital, pour que ne se reproduisent pas les horreurs qu’il avait vécues. Jean s’est éteint le 8 janvier 2020 à 98 ans. Que vive sa mémoire. Texte de Loez, lu par Stéphane Burlot et Cyrille Choupas.https://www.revue-ballast.fr/je-vous-quitte-plein-despoir-un-resistant-communiste-temoigne/Le monde des laborieux — Éric Louis
18:02|Par la voix d’une grotesque énarque et ancienne cadre supérieure, le ministère de l’Industrie a loué, il y a peu, « la magie de l’atelier où l’on ne distingue pas le cadre de l’ouvrier ». Le sang d’Éric Louis n’a fait qu’un tour. C’est que cet ancien cordiste de la Somme, « ouvrier, fils d’ouvrier, petit-fils d’ouvriers », sait de quoi il en retourne vraiment. « Ça fait un an que je bosse en continu. Un an d’usine. Neuf mois de tôlerie dans la ferraille huileuse de radiateurs électriques. Trois mois dans l’alu des échafaudages. » Fort de son expérience, il répond dans nos colonnes à la ministre déléguée.Texte d'Éric Louis, lu par Roméo Bondon, Cyrille Choupas et Lucie Morel.https://www.revue-ballast.fr/le-monde-des-laborieux/Grégory, ouvrier-cordiste : s’organiser, se défendre et se bagarrer
34:01|En mars dernier, le PDG du groupe Jarnias, spécialisé dans les travaux en hauteur, pérorait sur un plateau : « On est au sommet de l’Aiguille du Midi, au sommet de la Tour Eiffel, au sommet des grandes cheminées industrielles… On a l’habitude de dire qu’on rend accessible l’inaccessible. » Pendant longtemps, l’unique syndicat vers lequel un cordiste pouvait se tourner était une structure patronale, qui fédère et défend les entreprises de travaux sur corde, et non leurs travailleurs. Depuis fin 2018, l’association Cordistes en colère, cordistes solidaires souhaite pallier cette carence. Dans un village des Cévennes, nous avons rencontré Grégory Molina, membre et fondateur de l’association. Sur la table qui nous sépare, il y a un enregistreur, deux verres, un carnet et un livre sur les morts au travail — « saine lecture », commente sobrement le cordiste. Récit d’un quotidien fait de débrouille, de chantiers et de lutte.Gérard Lemaire : les deux vies d’un poète ouvrier — Yanna Rival, Loez, Élie Marek
24:17|Souvent, pour se souvenir, il nous faut l’aide de passeuses, de passeurs. La mémoire en dépend. Sans Marie Josèphe Lemaire, la poésie de son mari Gérard Lemaire, décédé en 2016, ne serait pas arrivée jusqu’à notre rédaction. Depuis bientôt quatre ans, elle publie chaque jour un poème de son compagnon défunt sur un blog hébergé par Mediapart. L’impression que nous laisse la lecture, un jour, de quelques-uns du millier de poèmes déjà diffusés est nette : nous étions passés à côté d’une rencontre heureuse. Né en 1942, Gérard Lemaire a toute sa vie plaidé pour une poésie politique, inspirée par son quotidien d’intérimaire, ses périodes de chômage, ses accidents et ses voyages, comme par les moments de résistance et de révolte du XXe siècle. En novembre dernier, dans une brasserie parisienne, Marie Josèphe Lemaire nous a raconté sa vie, celle de son mari et la manière dont elle fait aujourd’hui vivre son œuvre. Sixième et dernier volet de notre série consacrée à la littérature du travail.https://www.revue-ballast.fr/gerard-lemaire-les-deux-vies-dun-poete-ouvrier/Texte de Yanna Rival, Loez et Élie Marek lu par Roméo Bondon, Cyrille Choupas et Lucie Morel.J’ai quitté les rondes paisibles — journal d’un ouvrier — Louis Aubert
20:03|« Quand tu vas sur une ligne de production, c’est pour ton pays, c’est pour la magie », a déclaré il y a deux ans une ministre macroniste au cours du « plus grand rassemblement business de France ». Écoutons plutôt le regretté Joseph Ponthus, auteur d’À la ligne : on ne va pas à l’usine pour rêver « mais pour des sous ». Et, parfois, on se défait de son travail quotidien sur des bouts de papier. Ponthus notait aussi : « Au fil des heures et des jours le besoin d’écrire s’incruste tenace comme une arrête dans la gorge. » C’est ce même besoin qui, une décennie durant, a animé l’auteur de ce récit que nous publions. Ouvrier dans l’agro-industrie depuis une vingtaine d’années, Louis Aubert s’attache non seulement à relater tout ce temps passé dans des frigos mais aussi à décomposer ce qu’implique pour lui ce geste-là. « J’écris pour me joindre au cortège des récits ouvriers, aux récits de ces corps qui vont chaque matin vers les fatigues prochaines, trébuchent, résistent, flanchent, trichent, désertent. » Premier texte d’une série en six volets tout entière consacrée à la littérature du travail.https://www.revue-ballast.fr/jai-quitte-les-rondes-paisibles-journal-dun-ouvrier/Texte de Louis Aubert, lu par Roméo Bondon et Anne Feffer.C’est la grève ! — Jean Pierre Levaray
18:00|« L’éternelle revendication ouvrière, c’est qu’on ait enfin un jour plus d’égard aux hommes qu’aux choses », écrivait Simone Weil en octobre 1936. La joie ressentie lors des grèves de mai et de juin — « ce sursaut de dignité » — commençait alors à vaciller dans le pays. Un demi-siècle plus tard, l’ouvrier, syndicaliste et auteur Jean Pierre Levaray publiait Putain d’usine. « Personne ne parle de ce malaise qui touche les ouvriers qui ont dépassé la quarantaine et qui ne sont plus motivés par un travail trop longtemps subi. Qu’il a fallu garder parce qu’il y avait la crise, le chômage. » Le livre est, depuis, un classique de la littérature ouvrière. Dans l’un des chapitres, « Dire non », Levaray faisait le récit d’une grève à l’usine dans laquelle il travaillait. « Des grèves, on sait qu’il y en aura d’autres, c’est inéluctable. Parce qu’on ne se laissera pas faire », écrivait-il. Les syndicats viennent d’appeler à des grèves de masse le 7 mars prochain, pour contrer la réforme des retraites ; nous publions en ligne ce texte rêvant, encore et encore, de « jours meilleurs ».https://www.revue-ballast.fr/cest-la-greve/Texte extrait de Jean Pierre Levaray, Putain d’usine, Agone, 2005, lu par Maya Mihindou, Roméo Bondon et Cyrille Choupas.Gabriel, gilet jaune mutilé : « Je n’avais jamais foutu les pieds dans une manifestation » — Sophie Divry
32:04|Samedi 24 novembre 2018, acte II.Les invisibles arborent désormais un gilet jaune ; ils sont venus du pays tout entier pour exiger une vie meilleure. On appelle à la démission du « président des riches », on élève des barricades. « C’est le peuple en colère », nous dit-on aussitôt. Et c’est déjà l’émeute sur les Champs-Élysées — peut-être l’insurrection. L’un des membres de notre rédaction se dirige en direction de l’avenue Franklin‑D.-Roosevelt. Des tirs, des gaz, des cris. Il entend : « Un blessé ! Appelez les pompiers ! » Il s’approche. « Il y a du sang partout. Un gamin en état de choc », écrira-t-il quelques jours plus tard dans nos colonnes.Il a 21 ans, il s’appelle Gabriel, il vient de la Sarthe, il est monté sur la capitale pour exprimer son « ras-le-bol de voir les gens dans la misère », il s’apprêtait à passer son BTS en chaudronnerie. C’est la première fois qu’il participe à une manifestation et les forces armées du régime fraîchement élu « pour faire barrage à l’extrême droite » viennent de lui arracher une partie de la main — 26 grammes de TNT, catégorie « arme de guerre ». La guerre contre « ceux qui ne sont rien ». Sa mère se tient à ses côtés. « Mon regard croise celui de son fils. Il lève sa main en l’air afin d’éviter une hémorragie. »Nous sommes restés en contact avec la famille Pontonnier. Cette semaine de publications lui sera consacrée : deux ans ont passé — deux ans d’une lutte quotidienne : sanitaire, juridique, financière, psychologique. Laissons la parole à l’écrivaine Sophie Divry, qui ouvre cette série de textes : « J’ai rencontré, environ un an après leur accident, les cinq gilets jaunes qui avaient eu la main arrachée par une grenade. À partir de ces cinq entretiens, et avec leur accord, j’ai monté un texte choral publié en octobre 2020 au Seuil sous le titre Cinq mains coupées. Exceptionnellement, pour Ballast, avec l’autorisation de Gabriel et de sa famille, je livre ici l’entièreté de l’interview réalisée en janvier 2020, au Mans, lorsque je l’ai vu avec sa mère. L’entretien a duré trois heures. Ce sont des mots difficiles, un parcours brisé, qu’il importe que chacun considère à leur juste place. Nous savons que l’État protège les riches et écrase les ouvriers. Les mots de Gabriel permettent de réaliser ce que cela veut dire vraiment. » https://www.revue-ballast.fr/gabriel-gilet-jaune-mutile-je-navais-jamais-foutu-les-pieds-dans-une-manifestation/Texte de Sophie Divry, lu par Maya Mihindou, Anouchka Wood et Cyrille Choupas.« Nous étions des mains invisibles » — Fernande Bagou
20:40|Nous l’avions rencontrée une première fois au mois de mars 2018, lors d’une manifestation en soutien aux cheminots, aux côtés des employés d’une entreprise de nettoyage — H. Reiner Onet — en charge des gares d’Île-de-France. « Nous sommes aussi là pour défendre nos droits : depuis la fin de la grève, Onet n’a pas respecté le protocole », nous avait dit une de ses collègues. Fernande Bagou, la cinquantaine, a justement été l’une des porte-paroles de cette grève menée tambour battant, fin 2017, durant 45 jours : le nouvel employeur entendait déplacer les salariés d’un chantier à l’autre selon son bon vouloir — une « clause de mobilité » refusée par l’ensemble du personnel. Cette grève, appelant en outre au maintien de tous les postes et à l’égalisation des paniers repas, était une première pour la plupart. D’une voix calme, l’agente de nettoyage revient sur son expérience de travail au quotidien et cette bataille remportée : « L’employeur doit savoir que les salariés ne sont pas des robots, pas des esclaves. » Et met en garde la direction, si celle-ci en venait à fouler aux pieds ses engagements.https://www.revue-ballast.fr/nous-etions-des-mains-invisibles/Témoignage de Fernande Bagou, lu par Maya Mihindou, Anouchka Wood et Cyrille Choupas.Joëlle, ouvrière viticole et assistante maternelle — Rémi Larue
18:48|Sud-Ouest, département de la Gironde. Joëlle, bientôt 60 ans quand nous la rencontrons, est fille d’ouvriers agricoles. Après treize années à exercer comme retoucheuse dans le domaine textile, elle a gagné sa vie en tant qu’ouvrière viticole et assistante maternelle. Titulaire du statut de travailleuse handicapée et actuellement au chômage, elle rêve de pouvoir partir à la retraite et profiter, enfin, de ses enfants et petits-enfants. Un récit sur fond de chanson française.https://www.revue-ballast.fr/joelle-ouvriere-viticole-et-assistante-maternelle/Texte de Rémi Larue, lu par Mélanie Simon-Franza, Maya Mihindou et Cyrille Choupas.